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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE Grenoble

N° 1807518

___________

M.

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M. Claude Vial-Pailler

Juge des référés

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Ordonnance du 17 décembre 2018 ___________

54-035-02

D

Vu la procédure suivante :

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés,

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 novembre et 17 décembre  2018, M., représenté par Me Laumet, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative :

  • de suspendre l’exécution de la décision du 9 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du Département de la Savoie l’a affecté sur un poste de chargé de mission ;
  • d’enjoindre au Département de la Savoie de le réintégrer avec effet rétroactif au 9 novembre 2018, sur son poste de Directeur du développement artistique et culturel qui était le sien avant la décision contestée ;
  • de condamner le Département de la Savoie à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
  1. soutient que :
  • la décision lui fait grief ;
  • la condition d’urgence est remplie ; ni de la décision querellée ni des échanges passés entre le requérant et les membres du Conseil départemental il n’est apparu que son sort aurait été fixé si ce n’est qu’il ne s’inscrit plus au sein de la DDAC ; de même, le maintien ou non de la rémunération du requérant n’a pas été abordée par la décision contestée ; l’urgence à suspendre se justifie aussi en comparaison avec la célérité qui a été celle du Conseil départemental pour procéder à son changement d’affectation, valant mutation d’office ; la décision critiquée a pour objet de lui confier uniquement un poste de Chargé de mission pour une durée de 3 mois ; la décision contestée va nécessairement avoir pour incidence une perte de ses deux primes, doit près de 1 800 euros mensuel ;
  • s’agissant du doute sérieux quant à la légalité de la décision, la décision est signée par une autorité incompétente ; l’article 52 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 a été méconnu ; l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 a été méconnu ; la décision constitue une sanction déguisée prise en méconnaissance de l’article 89 de la loi n° 84-53 ; la décision est entachée de rétroactivité illégale ;

Vu la requête enregistrée sous le n° 1807514, le 27 novembre 2018 par laquelle M. , représenté par Me Laumet, demande l’annulation de la décision attaquée ;

Par uns mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2018, le Département de la Savoie, représenté par son président, conclut au rejet de la requête ;  Le Département de la Savoie soutient que :

  • la requête est irrecevable ;
  • la condition d’urgence n’est pas remplie ;
  • aucun des moyens n’est fondé.

Vu :

  • la décision attaquée ;
  • les autres pièces du dossier ;

Vu :

  • la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
  • la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
  • le code de justice administrative ;

Le président du Tribunal a désigné M. Vial-Pailler, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé ;

Après avoir convoqué à l’audience publique du 17 décembre 2018 :

  • Me Laumet représentant M. ,
  • le Département de la Savoie ;

Au cours de l’audience publique du 17 décembre 2018 à 11H00 ont été entendus :

  • le rapport de M. Vial-Pailler, juge des référés ;
  • les observations Me Laumet représentant M.;
  • les observations de Mme représentant le Département de la Savoie qui a repris ses écritures ;

Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience, à 12H00, la clôture de l’instruction ;

  1. a été recruté par le Département de la Savoie, en qualité de contractuel, le 1er novembre 2001, sur un poste de chargé de mission. Il a bénéficié de la reconduction de son contrat en CDI le 1er novembre 2007. Par la suite, il a été nommé directeur du développement culturel et de la lecture publique (de 2012 à 2015) tout en étant mis à disposition de l’établissement public de coopération culturelle « Diapason » le 1er janvier 2014, puis directeur du développement artistique et culturel le 1er juillet 2015 lors de la fusion entre . Il a été nommé attaché territorial stagiaire à compter du 1er août 2014 et titularisé dans ce grade le 1er février 2015. En juillet 2018, le médecin de prévention, à la suite de plusieurs entretiens d’agents de la, a informé le directeur des ressources humaines de situations de souffrance au travail. A la suite d’une enquête administrative, le directeur général des services a, aux termes de la décision du 9 novembre 2018, dont la suspension est demandée, affecté M. sur un poste de chargé de mission.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le Département de la Savoie :

  1. Les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération. En conséquence, le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
  2. Il ressort des pièces du dossier que M. , avant de faire l’objet de la décision de mutation querellée, avait notamment pour mission de proposer, promouvoir et mettre en œuvre les politiques de développement artistique et culturel définies par le Département. Il dirigeait en tant que Directeur de la une équipe d’une quinzaine de personnes et assurait le suivi d’un budget d’environ 3,6 millions d’euros. L’emploi de chargé de mission sur lequel il est nommé à compter du 12 novembre 2018 ne comporte aucune responsabilité d’encadrement et aucun pouvoir décisionnel, M. devant seulement «après avoir recensé l’apport des politiques culturelles à la promotion notamment touristique des territoires, faire des propositions quant à l’application à la Savoie et au territoire de Savoie Mont-Blanc concernant le renforcement de l’attractivité territoriales de ces deux territoires via une offre culture diversifiée et de qualité ». En outre, si ce changement d’affectation est présenté comme ayant un caractère provisoire dans l’attente d’une mobilité interne ou externe, il n’est, toutefois, pas contesté qu’elle met fin de façon définitive aux fonctions de directeur du développement artistique et culturel exercées par le requérant. Ainsi, si cette décision ne porte pas atteinte à ses droits et prérogatives qu’il tient de son statut et si elle n’a entrainé pour le moment aucune perte de rémunération, elle se traduit par une perte très importante de responsabilités. Dans ces conditions, M. est fondé à soutenir que la décision de mutation dans l’intérêt du service dont il demande la suspension de l’exécution ne constitue pas une simple mesure d’ordre intérieur et lui fait grief. La fin de non-recevoir opposée par par le Département de la Savoie à ce titre doit en conséquence être écartée.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

  1. Aux termes de l’article L.521-1 du code de justice administrative: «Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…)».
  2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient ainsi au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
  3. En l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé, qui exerçait les fonctions de directeur depuis 16 années, n’a été informé officiellement de son déplacement d’office que le 9 novembre 2018, soit seulement une journée après la date prévue initialement de restitution des conclusions de l’enquête administrative par les membres de la commission d’enquête. Si cette réunion de restitution a été finalement annulée, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments de cette enquête auraient été communiqués au préalable à M. lorsqu’il a été reçu par le directeur général des services le 6 novembre 2018. Si l’atteinte ainsi portée aux intérêts professionnels de M. doit être mise en balance avec l’intérêt public qui s’attache au bon fonctionnement du service, le motif d’intérêt général à écarter un chef de service pratiquant un management inapproprié n’est pas justifié en l’état du dossier. Eu égard aux effets de cette décision, qui le prive de ses fonctions d’encadrement, à la circonstance qu’il n’a pas eu accès aux résultats de l’enquête administrative sur le fondement de laquelle est intervenue la décision contestée, et nonobstant la circonstance que le 8 novembre 2018 il n’aurait pas pu assister à la restitution, M. justifie de l’existence d’une situation d’urgence.
  4. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 52 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, est de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
  1. Dès lors, il y a lieu, d’ordonner la suspension de la décision du 9 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du Département de la Savoie a affecté M. sur un poste de chargé de mission.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

  1. Il découle du caractère provisoire des mesures que peut prononcer le juge des référés conformément à l’art. L. 511-1 qu’il ne peut ni prononcer l’annulation d’une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant une telle décision. Eu égard à son motif, la suspension de la décision du 9 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du Département de la Savoie a affecté M. sur un poste de chargé de mission implique que l’administration place l’intéressé dans une situation régulière tant au regard des règles statutaires applicables que des besoins du service et des aptitudes professionnelles de l’agent dans l’attente de l’avis de la commission administrative paritaire. Cette injonction doit être assortie d’un délai d’exécution d’un mois.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

  1. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

ORDONNE

Article 1er : L’exécution de la décision du 9 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du Département de la Savoie a affecté M. sur un poste de chargé de mission est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Article 2 : Il est enjoint au président du conseil Départemental de la Savoie de réexaminer la situation de M. et de placer l’intéressé dans une situation régulière tant au regard des règles statutaires applicables que des besoins du service et des aptitudes professionnelles de l’agent dans l’attente de l’avis de la commission administrative paritaire, et ce dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 :   La présente ordonnance sera notifiée à M. et au Département de la Savoie.

 

Fait à Grenoble, le 17 décembre 2018.

Le juge des référés,                                                     Le greffier,

C.Vial-Pailler                                                               G. Morand

 

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

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