TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE GRENOBLE
N° 1904984 ___________ M. et Mme ___________ Mme Pauline Beauverger Rapporteure ___________ Mme Emilie Akoun Rapporteure publique ___________ Audience du 8 juillet 2022 |
Décision du 18 août 2022 _______ 68-03-025-03 C Vu la procédure suivante : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Grenoble (2ème Chambre) |
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2019 et le 6 août 2020, M. et Mme, représentés par Me Laumet, demandent au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 19 mars 2019 par lequel le maire de la commune a refusé leur demande de permis de construire portant sur la construction d’un chalet de deux logements sur un terrain de la commune, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;
2°) d’enjoindre au maire de la commune de leur délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement ;
3°) de mettre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros à leur verser sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme est entaché d’erreur de droit dès lors que le projet ne comporte qu’une unique construction :
- l’application de la version de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme issue de la modification n°8 du plan local d’urbanisme est mal fondée en ce que l’examen de son projet relevait de l’application de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de l’obtention d’un certificat d’urbanisme négatif du 27 décembre 2019 par l’effet de la cristallisation de la règle d’urbanisme prévue par les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme ; en application de cette rédaction de l’article, leur projet est conforme et ne pouvait être refusé.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 juin 2020 et le 25 septembre 2020, la commune, représentée par Me , conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
En application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, la clôture
de l’instruction a été fixée au 13 septembre 2021 par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l’urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Beauverger,
- les conclusions de Mme Akoun, rapporteure publique,
- et les observations de Me Laumet, représentant M. et Mme, et de Me substituant Me , et représentant la commune.
Considérant ce qui suit :
- Le 9 novembre 2018, M. et Mme ont déposé une demande de permis de construire portant sur la construction d’un chalet de deux logements, d’une surface de plancher créée de 295,36 m², sur un terrain, cadastré section B n°s 5646, 5710, 5712, 5713, 6343, 6345, 6346 et 6402, situé sur le territoire de la commune. Par un arrêté du 19 mars 2019, le maire de la commune a refusé cette demande au motif que le projet méconnaissait les dispositions de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme en ce qui concerne le recul de 8 mètres entre les deux chalets. Par courrier du 7 mai 2019, reçu le 10 mai suivant par la commune, M. et Mme, ont formé un recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté. Ce recours a été rejeté par une décision du 19 juin 2019. Par la présente requête, M. et Mme demandent l’annulation de cet arrêté et de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
- Aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu’une demande d’autorisation (…) est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (…) ». Les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.
- Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune a fondé son refus de permis de construire en litige en se fondant sur l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme, dans sa rédaction issue de la modification n°8 du plan local d’urbanisme du 20 mai 2018 et opposable à compter du 19 novembre 2018. Toutefois, un certificat d’urbanisme opérationnel a été déposé le 3 novembre 2017 sur le terrain d’assiette du projet concernant la construction d’un chalet de deux logements. Par arrêté du 27 décembre 2017, le maire de la commune a délivré un certificat d’urbanisme négatif. M. et Mme ont déposé leur demande de permis de construire le 9 décembre 2018, complétée le 15 février 2019, soit dans le délai de dix-huit mois à compter du 27 décembre 2017. M. et Mme avaient un droit à voir leur demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. En l’espèce, si la commune fait valoir en défense que la nouvelle rédaction de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme est d’application immédiate dès lors que cet article a pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, il ressort toutefois du rapport de présentation relatif à la modification n°8 du plan local d’urbanisme du 20 mai 2018 que cette nouvelle rédaction se justifie par des considérations esthétiques et urbanistiques. Par suite, M. et Mme sont fondés à se prévaloir de la garantie prévue à l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, consistant à voir leur demande de permis de construire examinée au regard des dispositions de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme applicable à la date de ce certificat, aux termes desquelles les constructions peuvent être implantées librement les unes par rapport aux autres au sein d’une même propriété. Par suite, M. et Mme sont fondés à soutenir que le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme dans sa rédaction issue de la modification n° 8 est entaché d’une erreur de base légale.
- Il résulte de ce qui précède que M. et Mme sont fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 19 mars 2019 par lequel le maire de la commune a refusé leur demande de permis de construire, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.
- Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les requérants n’est susceptible de fonder l’annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
- Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Et aux termes de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme : « Lorsque la décision rejette la demande ou s’oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l’intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d’opposition, notamment l’ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6. / (…) ».
- Lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à déclaration de travaux après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncé dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
- Le présent jugement annule l’arrêté du 19 mars 2019 en écartant le motif retenu par la maire de la commune qui s’est fondé à tort sur la nouvelle rédaction des dispositions de l’article UE 8 du règlement du plan local d’urbanisme pour refuser la demande de permis de construire de M. et Mme. Il ne résulte pas de l’instruction qu’un autre motif serait susceptible de fonder un nouveau refus de permis de construire. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au maire de la commune de délivrer un permis de construire aux requérants dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :
- D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne présentent pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens. D’autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune une somme globale de 1 500 euros à verser aux requérants au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêté du 19 mars 2019 par lequel le maire de la commune a refusé leur demande de permis de construire, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux formé à son encontre, sont annulés.
Article 2 : Il est fait injonction au maire de la commune de délivrer à M. et Mme un permis de construire dans un délai de trois mois à compter du présent jugement.
Article 3 : La commune versera à M. et Mme une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme et à la commune.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bonneville.
Délibéré après l’audience du 8 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Jourdan, présidente, Mme Triolet, première conseillère, Mme Beauverger, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 août 2022.
La rapporteure, La présidente,
P. BEAUVERGER D. JOURDAN
La greffière,
A. ZANON
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.