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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE

N° 2004362

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Elections municipales de

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M. Xavier Fabre

Rapporteur

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M. Frédéric Malfroy

Rapporteur public

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Audience du 6 octobre 2020

Lecture du 27 octobre 2020

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28-04

C

Vu la procédure suivante :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Lille

(1ère chambre)

Par une protestation, enregistrée le 28 juin 2020 au procès-verbal, et des mémoires enregistrés les 3 juillet 2020 et 10 août 2020, M., représenté par Me Laumet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de (Pas-de-Calais).

Il soutient que :

  • le fait d’avoir comptabilisé comme nuls les bulletins en faveur de la liste de Mme a altéré la sincérité du scrutin, le choix de l’électeur n’ayant pu être connu avec certitude ;
  • à la suite de l’article paru le matin du jour du vote dans le journal de l’, des électeurs ont été contactés pour ne pas voter pour la liste de Mme et pour voter pour d’autres listes, notamment celle de M. et ces appels téléphoniques ont constitué une manœuvre électorale qui, au regard du faible écart de voix ont altéré la sincérité du scrutin ;
  • en toute fin de scrutin, une colistière de M. a montré le bulletin qu’il

fallait prendre à trois électeurs ;

  • les mandataires de plusieurs personnes de sa liste n’ont pu voter faute d’avoir reçu à temps les procurations.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2020, M. représenté par Me , demande au tribunal de rejeter la protestation de M. et de mettre à la charge de M. la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

  • ne forme expressément aucune demande à l’encontre des opérations

électorales ;

  • les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

  • le code électoral ;
  • le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de M. Fabre ;
  • les conclusions de M. Malfoy ;
  • et les observations de Me Holterbach, substituant Me et représentant M. .

Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. :

  1. Aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête (…) Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. / L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours ». Par ailleurs, aux termes de l’article R. 119 du code électoral : « Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d’irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / (…) ».
  2. Au procès-verbal du second tour des élections municipales de la commune de, M. a fait figurer ses réclamations, pour contester, nécessairement, le résultat des élections qui venaient d’avoir lieu, même si ce n’est pas mentionné expressément. En tout état de cause, le mémoire complémentaire du protestataire a été enregistré le vendredi 3 juillet 2020, soit dans le délai fixé par l’article R. 119 précité du code électoral. Ce mémoire complémentaire contenait, outre l’exposé des faits et moyens, une demande d’annulation des opérations électorales du second tour, conforme aux exigences de l’article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par M. doit donc être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

  1. Le premier tour des élections municipales de la commune d’a eu lieu le 15 mars 2020. A l’issue de ce premier tour, 4 listes ont obtenu suffisamment de voix pour se maintenir au second tour. Le second tour de ces élections a eu lieu le 28 juin 2020. La liste de M. « Ensemble pour» a obtenu 485 voix, soit 46,45 % des suffrages exprimés. Celle de M. «notre village» a obtenu 480 voix soit 45,97 % des suffrages exprimés. Celle de M. « Ensemble osons » a obtenu 79 voix soit 7,56 % des suffrages exprimés. Celle de Mme « Renouveau, probité, sérénité » a obtenu 344 voix mais les deux bureaux de vote ont considéré que les bulletins de vote de Mme étaient nuls. Mme ne s’est donc vue attribuer aucun vote et ni elle ni aucun membre de sa liste n’a été proclamée élue.
  2. Aux termes de l’article L. 260 du code électoral, applicable aux communes de 1 000 habitants et plus : « Les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir, et au plus deux candidats supplémentaires, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation, sous réserve de l’application des dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 264 ». Aux termes de l’article L. 264 du même code : « Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin. La liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. / (…) ». Enfin, aux termes de l’article R. 66-2 de ce code : « Sont nuls et n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement : / (…) 4° Les bulletins comportant une modification de l’ordre de présentation des candidats ; / (…) ».
  3. D’une part, doivent être regardés comme nuls les bulletins qui, notamment, comportent une modification de l’ordre de présentation des candidats par rapport à la liste des candidats déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture sauf si ces discordances ne résultent pas d’une manœuvre et si les électeurs ont pu émettre, au moyen de ces bulletins, un vote contenant une désignation suffisante de la liste en faveur de laquelle ils ont entendu se prononcer.
  4. Il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que les bulletins de vote de la liste « Renouveau-probité-sérénité » de Mme ont, au second tour, comporté une modification de l’ordre de présentation de trois candidats, sur dix-neuf par rapport à la liste déposée en préfecture. Cette modification mineure de l’ordre de la liste de Mme, qui n’a d’ailleurs pas eu pour effet de méconnaître la règle de l’alternance des candidats de chaque sexe, n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, constitué une manœuvre. Les électeurs ont pu émettre au moyen des bulletins présents dans les bureaux de vote du second tour, malgré l’inversion de plusieurs noms qu’ils comportaient, un vote contenant une désignation suffisante de la liste. Dès lors les bulletins litigieux ne devaient pas être regardés comme nuls.
  5. D’autre part, il résulte de l’instruction qu’un article est paru, le jour de l’élection à 10H50, sur le site du journal local L’avenir de l’Artois, indiquant en son titre qu’une liste candidate pour les municipales de pourrait être invalidée. Si le titre de cet article est au conditionnel, le contenu de l’article lui-même ne laissait guère de doute, selon son auteur et les personnes interviewés pour l’article, y compris Mme, sur la prétendue irrégularité des bulletins de vote. Si M. Truffier soutient que cet article n’a été accessible qu’aux personnes titulaires d’un abonnement électronique auprès de ce journal, cela n’est pas confirmé par les pièces du dossier. Il n’est pas contesté que cet article a été partagé 56 fois, ce qui n’est pas négligeable compte tenu de la taille réduite de la commune. L’incertitude dans laquelle se sont trouvés les électeurs sur le caractère régulier ou non des bulletins de vote en faveur de Mme, qui n’a d’ailleurs été tranchée, et de façon erronée, qu’en toute fin de journée, a nécessairement eu une influence sur le vote en faveur de la liste de Mme et donc sur les autres listes. Dans ces conditions, et alors qu’il n’existe que cinq voix d’écart entre la liste de M. et celle de M., ce dernier est fondé à soutenir que la sincérité du scrutin a été altérée.
  6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs de la protestation électorale, que M. est fondé à demander l’annulation des opérations du second tour des municipales de la commune de . Cette annulation entraine d’office l’annulation de l’ensemble des opérations électorales du premier et du second tour, alors même que le protestataire n’a pas présenté de conclusions expresses en ce sens.

Sur les frais d’instance :

  1. n’est pas partie perdante dans la présente instance. Par suite, les conclusions présentées à son encontre par M. , au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de sont annulées.

Article 2 : Les conclusions présentées par M.  au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M., à M., à Mme à M., à Mme, à M., à Mme à M., à Mme, à M., à Mme, à M., à Mme, à M., à Mme, à M., à Mme à M. à Mme et au préfet du Pas-de-Calais.

Copie en sera adressée à Me et à Me Gonzague Laumet.

Délibéré après l’audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

  • Mme Baes-Honoré, présidente,
  • Fabre, premier conseiller,
  • Groutsch, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 octobre 2020.

Le rapporteur,                                                               La présidente,

signé                                                                             signé

X.FABRE                                                            C. BAES-HONORE

La greffière,

signé

C.LAMBOURS

La République mande et ordonne au ministre de l’Intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Le greffier,